Elle se promène sur le trottoir de Manille,
Vêtue comme une femme, avec bas résille ;
Elle n'a que ce choix qu'on lui a imposé,
Corps en pâture, et esprit vidé ;
Issue d'un milieu où règne la pauvreté,
C'est la solution pour nourrir sa parenté ;
Elle regarde au loin, les yeux vides d'espoir,
Se déhanche, sensuelle, emplie de désespoir ;
Il faut absolument qu'on vienne la voir,
Avec cet argent, elle pense sortir du trou noir...
La petite Princesse n'a que treize ans,
Par son expérience, n'est plus une enfant ;
Avec finesse, se déplace nonchalamment,
Elle veut harponner un touriste allemand...
Son frêle corps a subi tant d'assauts,
Tant de griffures et de plaies sur sa peau,
Qu'elle accepte aujourd'hui le fardeau
D'être encore le jouet d'immondes salauds.
Elle connait leurs désirs et leur perversité,
Elle ne s'encombre pas de moralité,
Elle se réfugie dans son monde de fées
Quand ces ordures viennent la souiller.
Ici, toutes les jeunes filles de sa génération
Ont pour "gagne-pain" la prostitution,
Ça fait partie des moeurs, des traditions,
Elles offrent leur candeur pour du pognon !
Avant elle, il y eut sa soeur et sa mère,
Aujourd'hui, pour la survie, elle en est l'ouvrière ;
Demain, la relève se fera avec sa petite soeur,
A chacune son moment, à chacune son labeur...
Comment peut-on laisser faire impunément
Ces insanités assassines sur des enfants ?
Pourquoi beaucoup de ces "pieux" gouvernements
Laissent briser ces si jolis diamants ?
De pratiques sadiques d'un piètre pervers,
La gamine de Manille a rejoint la terre ;
Aujourd'hui, enfin, se termine son enfer,
Jamais elle ne rencontrera plus Lucifer.
Sa beauté fragile éclate au grand jour,
Son Eden ne lui offre que l'Amour ;
Avec les Anges, elle joue sans soucis,
De ce trépas, enfin, elle revit.
(11/2008) © Régis Batrel