Planté là, comme le château du village,
Le presbytère affichait son imposant visage
A l'entrée du petit bourg de Bursard,
Où se mêlaient notables et campagnards.
De mes yeux de sept ans, je me souviens :
Des grandes portes en bois peints,
Des "mirus" qui chauffaient nos chambres,
Des craquements si horribles, qu'encor' j'en tremble...
Nous étions si fiers, moi et mes soeurs,
Que mon père ait loué une telle demeure !
Ce logis, qui pour nous, semblait un palais,
Allait des histoires féeriques nous révéler...
J'étais un chevalier et mes soeurs des Princesses,
Nous devenions les maîtres de cette forteresse.
Nous imaginions des gueux à notre service,
Déjà, à ces âges, remplis de malice...
Nous inventions des jeux dangereux,
Jusqu'à se rapprocher de l'univers des cieux ;
Sur le toit, inconscients, enfants capricieux,
Nous dominions le Monde, chérubins prétentieux.
Mon aînée et moi, deux petits sales gosses,
Etions avec nos petites soeurs des fées Carabosse,
Nous imposions, si jeunes, notre supériorité d'âge,
Elles devaient obéir, avec nous, pas de partage !
Si toutefois, nous n'étions pas comblés,
Avec autorité, pleuvaient des giroflées ;
Quand, à nos parents, elles allaient colporter,
Ceux-ci, rapidement, rétablissaient l'autorité.
Les grands couloirs n'en finissaient pas,
Les fantômes hantaient, on ne les voyait pas ;
La clarté des poêles nous rassurait,
Sous les couvertures, tout emmitouflés...
Les téméraires du jour devenaient craintifs,
Quand la lune luit, point d'esbroufes, trop naïfs !
Imprenable, et de solides pierres, bâtit,
De cartes elle devenait, cette citadelle, la nuit !
Puis, il fallut un jour quitter ce domaine
Pour rejoindre le devant de la scène,
Vivre en appartement, au coeur d'une ville,
Abandonner la magie pour un lieu hostile.
En ce temps, on désertait la ruralité
Pour, en ville, être plus proche de la réalité ;
Depuis, on a inversé les tendances,
La campagne redevient magnificence.
(11/2008) © Régis Batrel