Employé depuis cinq ans, tu as fait construire,
Une femme, deux enfants, tu crois en l'avenir ;
Tu ne roules pas sur l'or, mais tes heures supplémentaires
T'aideront à conserver ces doux moments de lumières ;
Tu seras à la retraite avant que ta boîte ne meure,
Un grand groupe coté, une fine fleur...
Tu te donnes sans compter, on a rien sans rien,
Tu ne seras jamais SDF accompagné d'un chien ;
Lorsque tu le vois dans sa lente agonie,
Tu te moques ou ignores : pas très gentil !
Tu passes ton chemin, fier de ton parcours,
L'avenir appartient à ceux qui lui font la cour...
Situation économique, ou bénéfices d'actionnaires,
Ta succursale se met en position précaire ;
Appel à la grève des syndicats d'ouvriers,
Ici, ils ne veulent aucun licencié.
Mais, dans la "charrette", tu te trouves embarqué,
Ton investissement professionnel a été négligé ;
Coup de massue, on vient de te porter,
Tes créances, comment vas-tu les régler ?
La roue tourne à l'envers dans ton univers,
Les dirigeants, à tes yeux, deviennent des pervers...
Ton âme se grise à l'aube de tes cinquante ans,
Le monde s'écroule, arrivent les tourments.
De dettes en disette, les huissiers, aux aguets,
Vont te détrousser de ton bien immobilier.
Vendue aux enchères pour une bouchée de pain,
Ta belle demeure ne rembourse pas l'emprunt !
Comme un citron, tu seras pressé,
De cette tension, ta femme va te quitter.
Tu es harcelé de toutes parts,
Epuisé, tu abandonnes, direction le mouroir...
Rmiste, tu n'as plus de logis,
Demain, le clair de lune sera ton abri.
Tu ne te rases plus, passes incognito,
Tu attends de t'éteindre dans un dernier sanglot.
Sous les cartons, tu te protèges du froid,
Tu te souviens du temps où l'argent était roi ;
Puis, tu songes à cet homme délabré
Qu'un jour, sur le trottoir, tu as dénigré...
Avec tes mitaines et ton visage torturé,
Tu t'en veux terriblement de l'avoir jugé.
Qui était-il avant cet orage d'été ?
Un homme comme toi, un courageux salarié ?
Tu te croyais hors d'atteinte du malheur,
Protégé par tes années et ton dur labeur,
Tu apprends que nul ne peut se glorifier
De ne jamais un jour faire partie des sacrifiés !
(12/2008) © Régis Batrel