Depuis des heures, un Pitohui bicolore ne cessait

De voler, planer, se poser, siffloter ;

Le ciel bleu, qui se perdait à l'horizon,

Le rendait euphorique, gai comme un pinson...

Il jouait ses gammes, crevant le silence,

Un criquet, tout au plus, rythmait la cadence ;

Après une telle symphonie, la gorge desséchée,

Il se rapprocha d'un ru pour se désaltérer...

Des demoiselles virevoltaient, et le taquinaient,

Mais l'oiseau appréciait leur élégant et subtil ballet ;

Alors qu'il commençait à prendre des petites gorgées,

Une voix inconnue et stridente déchira la muette vallée...

A quelques battements d'ailes, un chien chanteur

S'égosillait, à faire tressaillir toutes les jolies fleurs ;

Le Canis lupus hallstromi, à l'allure de dingo,

Elevait son concerto comme un fier soprano...

L'espèce de loup s'approcha du ruisseau,

Et, d'un air altier et prétentieux, dit à l'oiseau :

" L'oisillon ! Pousse-toi vite de mon abreuvoir !

Sinon, tu finiras dans ma mangeoire avant ce soir ! "

Le Pitohui, apeuré, ne se laissa pas démonter,

Et répondit, le cou tendu, et le bec relevé :

" Pour savoir si je suis à ton goût, faut me lécher !

Vu ton élégance, tu dois être fin gourmet... "

Par cette flatterie, le chien ne se fit point prier,

Il caressa, de sa langue, le bel emplumé ;

Soudain, celle-ci se mit à gonfler et à le picoter,

Et ses babines furent rapidement comme enflammées...

Maître chien chanteur se mit à hurler,

Le venin du Pitohui faisait son effet ;

L'animal à quatre pattes détala comme un furet,

Et l'oiseau finit tranquillement de se rassasier...

Du plus fort, il ne faut jamais se fier,

Le plus faible possède certains secrets !

(04/2010) © Régis Batrel

- Le Pitohui bicolore : un des rares oiseaux vénéneux.

Originaire de la Nouvelle-Guinée.

Il est protégé par un poison qui recouvre son plumage.

Mais, un coup de griffe transmet également le poison.

- Le Chien chanteur : chien domestique, retourné à l'état sauvage, comme le dingo.

Originaire de la Nouvelle-Guinée.

Rien ne sert de gémir ; il faut voir plus loin :

Le lièvre et la tortue en sont l'image.

Parions, dit celle-ci, que vous ne tiendrez point

Aussi longtemps en rut. - Sitôt ! Etes-vous sauvage ?

Répondit le lièvre vexé :

Ma crâneuse, il ne faut vous fier,

J'ai en moi mille trésors.

- Sauvage ou non, je vous défie encore.

Ainsi fut dit ; et en ce lieu

On plaça un douillet pieu.

Savoir comment, on se moque de l'air,

Ni de quelle position l'on convint.

Le lièvre était vraiment un expert ;

Evidemment, vu sa notoriété, on peut être certain,

Qu'il ferait le malin, qu'il en redemande,

Et rusé, attendrait qu'elle quémande.

Ayant, dis-je, même du temps pour la brouter,

Pour se languir, et pour exposer

Son arrogance, il laisse la tortue

Prendre son lent ascenseur.

Elle gémit, elle s'évertue ;

Elle se mue avec candeur.

Lui, en revanche, se moque d'une telle gloire,

Tient ce défi à peu de gloire,

Se persuade qu'il y va de son honneur

De prendre son temps. Il broute, il se repose :

Il pense à tout autre chose

Qu'au final. Vers la fin, quand il vit

Que l'autre n'arrivait pas en hautes sphères,

Il tenta de se retenir ; mais les efforts qu'il fit

Furent vains : la tortue reste froide comme un cimetière.

Alors ! lui dit-elle, n'avais-je pas  raison ?

A quoi vous sert cette vitesse ?

Moi, jouir en premier ! Voyez votre liesse,

Vous ne m'avez amenée au diapason !

(11/2008) © Régis Batrel

Avec mes excuses à Jean de La Fontaine...

Parodie respectant rimes et césures.